Entre biologie, émotions et besoins fondamentaux
L’hyperphagie boulimique – ou “binge eating disorder” – fait partie des troubles du comportement alimentaire (TCA).
Souvent silencieuse, parfois banalisée, elle se manifeste par des épisodes de prises alimentaires importantes, sans comportements compensatoires (vomissements, sport excessif, etc.).
Mais derrière ce rapport douloureux à la nourriture, il ne s’agit pas d’un manque de volonté : c’est une tentative de régulation, à la fois biologique, émotionnelle et psychique, qui cherche à réparer quelque chose d’insoutenable.
Un trouble plus fréquent qu’on ne le croit
En France, les estimations varient selon les études : entre 3 % et 5 % de la population adulte seraient concernées, selon l’Assurance Maladie et la Haute Autorité de Santé.
Ce chiffre, déjà significatif, serait probablement sous-évalué, car de nombreuses personnes ne consultent pas ou ne se reconnaissent pas dans le diagnostic.
Chez les jeunes adultes et les étudiants, la proportion de comportements hyperphagiques pourrait même atteindre 8 %, signe d’une souffrance souvent invisible mais réelle.
À l’échelle mondiale, la prévalence se situe autour de 2 % à 3 %, avec une légère prédominance féminine.
Ces données rappellent que l’hyperphagie n’est pas un “trouble rare” ou “anecdotique”, mais une réponse fréquente du corps et de l’esprit à la détresse émotionnelle ou au stress chronique, et qu’elle mérite une attention et une prise en charge bienveillantes, au même titre que tout autre trouble psychique ou physiologique.
Comprendre les mécanismes biologiques
L’hyperphagie n’est pas qu’une affaire de “trop manger”.
Elle traduit souvent une dysrégulation du système nerveux et hormonal :
- Le cerveau limbique, impliqué dans la gestion des émotions, peut court-circuiter le cortex rationnel lorsque le stress est trop fort.
- La dopamine (plaisir et motivation) et la sérotonine (stabilité émotionnelle) jouent un rôle majeur dans le besoin urgent de manger.
- Les variations de glycémie, souvent amplifiées par des régimes restrictifs ou des rythmes alimentaires irréguliers, favorisent les compulsions.
- Enfin, la sécrétion de cortisol, hormone du stress, pousse le corps à rechercher des aliments gras et sucrés, une stratégie de survie ancestrale.
L’hyperphagie devient ainsi une réponse du corps à un stress perçu comme vital.
Comprendre les racines psychologiques
Sur le plan psychologique, l’hyperphagie peut être comprise comme un mécanisme d’adaptation à une douleur émotionnelle.
Elle peut traduire :
- Un vide intérieur ou un sentiment de manque affectif ;
- Une tentative de reprendre le contrôle sur une vie perçue comme chaotique ;
- Une manière de calmer une émotion trop intense (peur, colère, tristesse, honte) quand aucun autre moyen n’a été appris ;
- Ou encore, une dissociation : “je mange sans être vraiment là”, une coupure provisoire d’avec soi pour ne plus sentir.
Il s’agit d’un automatisme de survie mis en place à un moment où c’était la seule solution disponible.
Le cercle vicieux du contrôle et de la culpabilité
Les personnes hyperphages décrivent souvent un cycle douloureux :
- Restriction (volontaire ou inconsciente)
- Tension intérieure croissante
- Perte de contrôle et compulsion
- Culpabilité et honte
- Nouvelle restriction
Ce cercle entretient à la fois la culpabilité et la peur du regard des autres, rendant difficile la demande d’aide.
Sortir de ce cycle nécessite d’agir sur le rapport au corps, à la nourriture et à soi-même, dans une approche globale.
Chemins de soin : apaiser le corps, réhabiliter le lien à soi
Un accompagnement efficace combine souvent :
- Une approche médicale et nutritionnelle : remise en sécurité du corps, régulation du métabolisme, soutien hormonal et digestif.
- Une approche psychothérapeutique : travail sur l’attachement, la régulation émotionnelle, la dissociation et les schémas relationnels.
- Des outils de pleine conscience et d’ancrage corporel : retrouver la sensation de satiété, la conscience du corps et des émotions.
- Le travail de réconciliation : sortir de la guerre contre son corps, comprendre ce qu’il a essayé de dire.
Précautions et accompagnement médical
L’hyperphagie est un trouble reconnu médicalement, qui peut avoir des conséquences physiques importantes (métaboliques, cardiovasculaires, digestives).
Il est donc essentiel de consulter un médecin (généraliste, psychiatre) pour établir un bilan global.
Une prise en charge pluridisciplinaire est toujours préférable : médicale, psychologique, nutritionnelle.
Aucune démarche de soin psychologique ne remplace un suivi médical adapté.
Pour aller plus loin :
De nombreuses ressources et infos sur le site de la FFAB
- L’hyperphagie boulimique chez l’adulte : Guide pratique pour cheminer vers la guérison — Alice Hussonnois (2024)
- L’hyperphagie boulimique en 100 Questions / Réponses — ENDAT (Dir. Lydie Thiery) (2022)
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